Dans cette impuissance partagée quelle place pour la famille ? le soignant ? le malade ? Lorsque plus aucun remède n’est possible, de quelle manière la situation ensemble peut-elle continuer à signifier quelque chose ? Chaque acteur de ce moment critique contribue, d’une manière ou d’une autre, à la qualité de l’accompagnement. D’une manière générale, on pourrait dire qu’une distinction apparaît pour le malade entre ce qui relève de ses choix et de ses convictions les plus intimes et l’extériorité que constitue l’environnement médical et l’environnement « naturel ». L’accompagnement renvoie effectivement à deux postures parfois antagonistes : l’accompagnement professionnel, entendons tout le corps médical, et l’accompagnement « naturel », c’est à dire le soutien familial et amical. La question est de savoir de quelle manière cette triple vision de la fin de vie s’organise pour le patient : s’agit-il pour les soignants d’entendre la volonté du malade, de s’y adapter ou bien de mettre en œuvre un processus prédéfini ? S’agit-il pour la famille et les amis, d’accepter la volonté du malade, d’être une instance de délibération ou simplement de confirmer l’autre dans son humanité par le témoignage de leur soutien ?

Plusieurs dispositifs énoncés par la loi Leonetti tendent à inscrire la volonté du malade dans les modalités de sa prise en charge médicale : les directives anticipées, par lesquelles le malade peut déclarer par anticipation et de manière officielle sa position quant aux soins qui lui seront prodigués lorsqu’il ne sera plus en mesure de donner son avis ; la désignation d’une personne de confiance par le malade, qui aura pour tâche de se substituer à lui pour faire respecter sa volonté au moment où cela lui sera devenu impossible. La personne de confiance intervient ainsi comme le garant du respect des volontés du patient.

Alors pourquoi ces mesures ne suffisent-t-elles pas ? Des difficultés peuvent intervenir dès lors qu’il y a un conflit entre la volonté qui émane du malade et les positions de l’accompagnement professionnel ou celles de l’accompagnement « naturel ». En d’autres termes, il peut arriver que l’instance médicale oppose ses principes aux directives émises par le malade ou son représentant, que la famille n’accepte pas les demandes du malade. Dans ce cas, il convient de s’interroger sur ce qui revêt le plus d’importance : la parole du malade ou les positions de l’entourage professionnel et naturel ? La personne, dès lors qu’elle est en fin de vie, devient-elle un objet soumis aux principes d’une instance supérieure ? Ou bien garde-t-elle la possibilité de faire entendre sa voix ? Sans écarter la possibilité que les autres instances aient de bonnes intentions, peuvent-elles assumer leur opposition à la volonté du malade lui-même ? Dans l’acte du soin palliatif, l’articulation entre la personne malade et le corps médical et/ou la famille semble pouvoir se retourner en rapport de force. L’autre versant serait celui de la bientraitance, qui ferait de l’éthique de la personne la valeur de négociation entre les différents acteurs.

Cependant, quelles que soient les modalités d’accompagnement peut on dire qu’il est nécessaire de mourir accompagné ? Pour permettre au mourant d’être vivant jusqu’au bout, à ses proches d’affronter cette épreuve.

Nous proposons cette journée d’étude comme une première rencontre transdisciplinaire sur ce thème de réflexion. Des chercheurs en philosophie, en sciences de l’éducation, en psychologie, mais aussi des professionnels du soin, sont invités à discuter de leurs approches.